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"Pleure, ô Pays bien aimé..."

 Le temps de la vérité

par le Dr. Bernard LEFEVRE

 Ancien membre co fondateur du COMITÉ de SALUT PUBLIC Algérie-Sahara du 13 mai 1958

 

Cet article a été publié sous le titre "Algérie quel gâchis" dans les Ecrits de Paris n° 581 d'Octobre 1996 

 

Pleure ô Pays bien aimé,

Cette plainte, tirée du titre d'un livre merveilleux d'Alan Paton, concerne l'Afrique du Sud. Mais elle évoque si bien cette tristesse et cette nostalgie que ressentent nombre de Pieds-Noirs des vieilles générations, qu'elle peut s'appliquer à l'Algérie.

Nostalgie du passé, nostalgie des souvenirs d'enfance et d'adolescence, nostalgie des jours heureux; tristesse pour les drames vécus hier en Algérie avec nous, comme aujourd'hui encore sans nous. Mais aussi colère pour les occasions manquées....Hier, c'étaient les Pieds-noirs massacrés et exilés de force, les harkis livrés aux égorgeurs, aujourd'hui, c'est au tour des Algériens et des Algériennes de connaître le terrorisme et l'angoisse quotidienne. Quel gâchis!

 

Je sais que certains de mes compatriotes ricaneront en disant qu'ayant tout perdu du fait du F.L.N., nous ne sommes plus concernés et que ce n'est que justice après tout si le peuple algérien subit aujourd'hui à son tour le martyre. Je sais que nombre de jeunes Pieds-Noirs qui ont peu vécu en Algérie ou qui sont nés en France ne se sentent plus concernés. Mais quand même...cinquante années de sang et de larmes en Algérie depuis la révolte de Sétif, cela ne mérite-t-il pas, malgré la rancune, que l'on s'y arrête un instant, ne serait-ce que du point de vue historique, afin, au moins, de comprendre? N'est-il pas temps aussi de rechercher les vraies causes (non pas celles d'une histoire falsifiée et mensongère ) et de désigner les vrais coupables ?

 

Il est admis que toute colonisation, une fois réalisée la conquête, passe par deux phases: celle de la mise en valeur du territoire, de la création d'infrastructures et de la formation des élites locales sous la tutelle de la puissance colonisatrice avec, comme conséquence, la naissance d'une culture hybride sui generis, puis dans un deuxième temps, celle de l'émancipation inéluctable des populations colonisées.

 

Cette émancipation peut alors prendre deux aspects: soit la naissance d'un nouveau Pays, d'un nouvel État indépendant avec le départ pur et simple de la puissance colonisatrice qui laisse des reliquats plus ou moins importants de coopération culturelle et économique, soit le maintien de liens politiques entre ancienne colonie et ancienne métropole, par exemple sous forme d'une large autonomie interne dans un cadre de type fédéral voire confédéral.

 

La France a fort bien réussi la première phase de la colonisation et elle n'a pas à en rougir : création de solides et modernes infrastructures (routes, ports, aérodromes, barrages, électrification, irrigation, assainissement des zones marécageuse etc..), agriculture moderne et productive, industrialisation, découverte et mise en valeur de ressources énergétiques (pétrole et gaz), santé publique performante, services publics, administration complexe sortie du néant, formation d'une élite autochtone etc... Ainsi, d'une terre qui n'avait été au fil des siècles qu'une mosaïque de territoires tribaux avec un "no man's land" parcouru et occupé provisoirement par les uns et les autres, elle a fait un véritable pays dans le respect des traditions et de la religion des peuplades autochtones.

 

Mais il faut le reconnaître, la France a complètement raté la deuxième phase, celle de l'émancipation. Et cela a été d'autant plus grave que s'était installée peu à peu en Algérie, depuis 1830, une importante population d'origine européenne venue de France et du bassin méditerranéen, moteur essentiel du décollement économique et de la mise au niveau d'un pays développé.

 

Il était certes facile pour la colonisation anglaise qui n'avait exporté que des militaires, des fonctionnaires et des commerçants de rapatrier sans drame tout son monde le moment venu. Mais quand la France s'est retirée brusquement de l'Algérie sans aucune raison d'urgence, cela s'est nécessairement accompagné de l'exode tragique d'un million de personnes de souche européenne complètement enracinées dans le pays depuis plusieurs générations et brutalement soumises au choix de la "valise ou du cercueil", sans parler de milliers de harkis expatriés d'urgence pour éviter le couteau des égorgeurs auquel hélas bon nombre d'entre eux n'ont pu échapper.

 

Alors la question se pose aujourd'hui de savoir comment cela a été possible et l'on doit se demander s'il n'y avait pas d'autres solutions. Car il est intolérable de continuer plus longtemps à en rester à la thèse "politiquement correcte", culpabilisant les colons oppresseurs, les Pieds-noirs terroristes, les militaires tortionnaires ou bien évoquant l'indépendance inéluctable ou le vent de l'histoire.

 

La grande erreur, la grave inconséquence de la France, qui avait pourtant fait de l'Algérie un territoire français à part entière, départementalisé comme la métropole, c'est de ne pas avoir accordé à l'ensemble des Algériens de souche le plein accès à la citoyenneté sous le fallacieux prétexte de statut coranique (n.d.l.r. :dont la pratique alors était tout ce qu'il y a de plus modérée, comme celle d'ailleurs de la plus grande partie des maghrébins actuellement installés en France) et de les avoir maintenus dans un état de dépendance politique et économique, alors même qu'elle avait accordé le bénéfice de cette citoyenneté, pleine et entière, aux Juifs algériens aussi autochtones qu'eux-mêmes (décret Crémieux de 1870). En pays musulman, très sensibilisé au judaïsme, cette situation était difficilement pardonnable; elle a été ressentie comme une atteinte à leur dignité. Et c'est à partir de là, au cours des décennies suivantes, qu'est né peu à peu le mécontentement, puis plus tard la révolte, attisée par les autres pays musulmans et les mondialistes anglo-saxons avides du pétrole saharien et trop heureux de nous tailler des croupières. Les Algériens qui n'avaient pas de passé, pas d'histoire, comme l'avait reconnu Ferhat Abbas, ont voulu s'en créer une dans les maquis, puisque la France, malgré le sang algérien versé durant les deux guerres mondiales, refusait toujours de les faire participer pleinement à son propre destin.

 

Certes, la France avait accordé la citoyenneté aux élites arabes locales émancipées, nanties ou cultivées, mais en trop petit nombre, et elle avait laissé dans une situation intermédiaire de sous-citoyenneté politique et sociale la grande masse de la population qui votait à part dans le cadre d'un 2° collège électoral.

 

L'on se condamne à ne rien comprendre aux événements si l'on ne sait que cette situation n'a pas été le fait des Pieds-noirs qui se sont toujours bien entendus avec leurs concitoyens musulmans dans une cohabitation sans problème. Rappelons que, contrairement à la propagande, la société des Européens d'Algérie n'était dans sa composition pas différente de la société métropolitaine; il n'y avait pas plus de représentants des "deux cents familles" et de "négriers" chez eux qu'il n'y en avait en France. Les véritables responsables, ce sont bien au premier chef les politiciens des 3°, 4° et 5° Républiques qui ont évité de réaliser les réformes politiques, économiques et sociales indispensables, afin de ne pas voir arriver au Palais Bourbon un nombre considérable de députés algériens. Une grande responsabilité pèse aussi sur les financiers qui ont préféré faire des investissements immédiatement productifs dans le tiers monde et ailleurs plutôt qu'en Algérie, ainsi que sur les industriels qui ont craint de créer une industrie concurrente, sans parler des viticulteurs du Midi... Les Pieds-noirs ne peuvent en rien être rendus responsables de cette situation, car, que l'on sache, c'est bien aux Gouvernants à accomplir les réformes et à orienter l'économie et non point aux populations locales! D'aucuns avanceront qu'une industrialisation de l'Algérie avait été amorcée avec le fameux plan de Constantine. Mais trop tard, et au demeurant ce ne fut qu'un leurre vite torpillé par tous ceux que nous avons cités plus haut, qui n'avaient aucun intérêt au décollage industriel du pays.

 

Mais ne faut surtout pas négliger le rôle très important joué par l'Étranger dans la naissance, le développement et le soutien des organisations terroristes algériennes dès la fin de la 2° Guerre mondiale. Rappelons la constitution du "panarabisme islamique" contre la France au Moyen Orient depuis 1940 avec bien entendu le soutien de l'Angleterre (éviction de la France de Syrie). Son action se manifesta en Algérie par le déclenchement en 1945 de foyers de révolte dans toute l'Algérie, dont la quasi- totalité fit long feu en raison du loyalisme des populations. Seul, le soulèvement dans la Constantinois, où le travail des islamistes religieux (les oulémas) avait été particulièrement important, prit de l'ampleur et se traduisit par de nombreux assassinats d'européens. Mais il fut vite et durement maté, notamment à Sétif; cependant la répression fut loin d'atteindre à l'horreur décrite complaisamment par les médias de gauche et les ennemis de la France. L'action antifrançaise de l'arabisme islamiste du moyen orient (Egypte en particulier) ne s'en poursuivit pas moins souterrainement, jusqu'au coup de tonnerre du 1° Novembre 1954, avec l'aide financière et l'appui logistique des pays arabes et de l'Amérique ainsi qu'avec le soutien toujours présent, jusqu'à la fin, de "l'intelligence service" de nos "bons amis" britanniques Toutes les organisations algériennes politiques, religieuses, ouvertes ou clandestines, ont été constamment nourries, irriguées en armes, munitions et propagande par les pays arabes, les services anglais, les financiers américains, sans oublier les "porteurs de valise" français (idéologues chrétiens ou marxistes-léninistes) dont certains, hélas, étaient Pieds-noirs.

 

Les promoteurs de la Révolution du 13 Mai 1958, dont je m'honore d'avoir été l'un des sept initiateurs, soutenus par des officiers lucides de retour d'Indochine, avaient compris les raisons profondes de la Guerre d'Algérie. Aussi, voulant agir dans le domaine où il leur était possible de le faire (le politico-militaire), se sont-ils hâtés de proclamer, dès leur éphémère prise de pouvoir, que tous les habitants de l'Algérie de souche autochtone seraient désormais des "citoyens à part entière" et qu'ils devraient participer conjointement avec ceux de souche européenne à l'évolution de leur pays natal....Et il faut l'avoir vécu pour le croire, ce fut un immense enthousiasme, une énorme clameur, un déferlement dans les rues et sur le Forum d'Alger, puis comme une traînée de poudre dans toutes les villes et villages d'Algérie, de populations algériennes venues exprimer leur joie, leur approbation à ce tournant politique. Enfin la France avait compris! Dans le même temps l'Armée française réduisait définitivement et totalement, les dernières bandes armées qui tenaient le maquis. Tout était devenu politiquement possible et les erreurs du passé pouvaient être rattrapées. La France était victorieuse et elle allait pouvoir accorder un statut juste et acceptable pour tous! En vérité la prétendue victoire sur le terrain militaire dont s'est glorifiée l'A.L.N. n'est qu'un mensonge grossier propagé avec complaisance par les "bradeurs" pour justifier leur inqualifiable abandon et leur capitulation inconditionnelle et précipitée à EVIAN .

 

Certes, la solution de l'Algérie Française, de Dunkerque à Tamanrasset, était difficilement réalisable dans le cadre d'une Constitution jacobine qui aurait promu des députés algériens en trop grand nombre, car représentant une population en pleine expansion démographique, les arbitres de la politique nationale française. Mais le départ pur et simple, dans la hâte, de la France et du million de Français d'Algérie, surtout après l'éradication totale des bandes armées, était, lui, absolument inconcevable et criminel.

 

C'est pourquoi, ayant l'intuition du drame qui se préparait, j'ai essayé avec 13 de mes collègues du Comité de Salut Public Algérie-Sahara du 13 Mai 1958 et l'appui de certains Officiers de faire prévaloir une 3° solution ("Manifeste des 14"), celle d'une large autonomie interne de l'Algérie dans le cadre d'une constitution fédérative de toutes les Provinces de France, ce qui eut amené un minimum de représentants Algériens de souche ou de pieds-noirs  au Parlement et eut évité la révolte et l'exode massif d'une population française dupée, trahie, livrée sans défense en 1962 au couteau d'une minorité de terroristes battus sur le terrain mais soudain réhabilités politiquement et remis en selle par De GAULLE . (n.d.l.r. : apparemment la France n'était pas prête à troquer sa constitution jacobine centralisée pour une constitution girondine)

 

Notre tentative n'eut pas de lendemain. Le plan de De GAULLE, prémédité depuis longtemps, (discours de Brazzaville), devait se développer inexorablement....Nous fûmes vilipendés par les médias comme "activistes" (voir les articles du "MONDE"), marginalisés par les autorités inquiètes de voir se développer un projet qui n'entrait pas dans ses plans; enfin, il faut le dire, nous fûmes peu soutenus par des compatriotes obnubilés par l'utopie d'une Algérie Française intégrale.

 

Ainsi, ce fut la pire des solutions, la solution impensable, celle du désengagement volontaire, total et brutal, qui fut choisie pour le malheur de tous, des Pieds noirs, de la masse des Algériens soumis aux menaces des terroristes, des Harkis et des Soldats morts pour rien. L'on a beaucoup glosé sur les raisons de la décision de De GAULLE : pression des financiers mondialistes, mépris à l'égard des arabes (selon le témoignage de Peyrefitte), haine des Pieds noirs pour leur prétendu pétainisme passé ou tout simplement décision implacable d'un chef d'État voulant acquérir dans l'Histoire la stature de "libérateur des peuples" (ce qui a été confirmé par la suite dans son discours pour le "Québec libre")? On ne le saura peut-être jamais. Mais en tout cas ce fut une vilenie et un parjure, le parjure d'un homme qui, porté au pouvoir pour accomplir une symbiose entre l'Algérie et La France, a réalisé le contraire de ce qu'il s'était engagé à faire et a été à l'origine de beaucoup de larmes et de sang!

 

L'O.A.S. a été la dernière tentative d'une population trahie et désespérée pour sauver sa terre natale et son existence. L'entreprise était certes vouée à l'insuccès eu égard à la puissance des forces liguées contre elle, mais elle se comprend et se justifie. Quoiqu'il en soit, ses actions violentes ponctuelles, limitées en nombre, dirigées essentiellement contre les égorgeurs du FLN, les "bradeurs" et les "barbouzes" ou les agents de "l'intelligence service", sont à mille lieux d'atteindre à l'horreur du terrorisme aveugle du FLN. L'O.A.S. a été vilipendée et le FLN glorifié! Mais ne sait-on pas depuis longtemps que les terroristes qui réussissent sont traités en héros tandis que les révoltés qui échouent sont voués aux gémonies?

 

Trente cinq ans après les événements, au moment où l'on s'apprête à donner l'autonomie à Tahiti, à la Nouvelle Calédonie et peut-être à la Corse, et pourquoi pas à la Savoie et à la Creuse dans le cadre d'une "Europe des Régions", l'on peut mesurer tout ce que notre solution confédérale eut permis: conservation de l'influence française, culturelle et linguistique, contrôle des richesses pétrolières sahariennes, évolution économique plus harmonieuse de l'Algérie sans régression sociale, maintien de l'essentiel des liens politiques avec la France, participation des Européens d'Algérie à la gestion de leur terre natale. Et nous ne savons que trop ce qu'elle eût évité : exil massif du peuple Pied-noir, misère et régression socio-économique en Algérie pourvoyeuse d'intégrisme musulman et conduisant à une émigration maghrébine incontrolable vers la France, ruineuse pour pour notre pays, naissance d'un Islam intégriste et terroriste s'étendant en tache d'huile dans nos villes et maintenant dans nos campagnes. Les banquiers, les maîtres de forge, les managers des multinationales et les politiciens, qui se croyaient "avisés", prétendaient préserver la France de l'invasion arabe en larguant l'Algérie ! Beau résultat en vérité ! Avec la bénédiction des associations antiracistes et des "collectifs" de grandes âmes humanistes imbéciles, plus de six millions de musulmans immigrés sont installés dans notre pays, la loi de la jungle règne dans de nombreuses zones de non-droit (français), des mosquées s'érigent partout jusque dans la France profonde, le terrorisme islamiste est puissamment implanté et prêt à entrer en action, bientôt des Maires et des Députés issus de l'émigration algérienne s'installeront dans nos communes, en attendant la "République Islamique Française" tant annoncée par les imams...

 

Nous avons perdu une bataille contre toutes les puissances liguées, de l'intérieur et de l'extérieur, qui ont largué le patrimoine français en Algérie. Que les Anciens continuent de pleurer le Pays perdu.... mais que les Jeunes de chez nous fassent en sorte aujourd'hui de gagner la guerre politique au besoin dans la rue contre ces mêmes puissances prêtes à vendre la France au mondialisme sans frontières, car demain il n'y aura plus pour eux de bases de repli... Mais cela est une autre histoire.

 



07/10/2015
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