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Croisade contre l'Islam ou seulement guerre contre le wahhabisme ?

Croisade contre l'Islam ou seulement guerre contre le wahhabisme ?

 

Le problème de l’Islam en France et en Europe est, tout comme les problèmes économiques et financiers, l’un des dossiers majeurs actuels de notre société 
Ce dossier ultra-sensible empoisonne la vie politique et il risque de creuser un profond fossé d’incompréhension entre les communautés européennes de tradition judéo-chrétienne et la communauté musulmane par manque de connaissances des uns et des autres sur les données réelles du problème depuis que les religieux intégristes wahhabites (et salafistes) se sont emparés de la direction spirituelle dans la lecture d’un Coran ambigü

 

Pourquoi ambigu? 

Parce qu’il y a le Coran pacifique et bienveillant (inspiré en grande partie par la Bible) rédigé du temps de la Mecque et son complément le Coran violent et haineux de Médine rédigé après l’Hégire de Mahomet. Et dans cette suite du Coran initial Mahomet et ses successeurs corrigent et annulent bien des versets du premier...dans le sens d’une guerre sans merci à mener contre tous ceux qui, dans le Monde, refusent de se soumettre totalement à Allah... (païens, juifs, chrétiens et musulmans modérés) pour instituer un Islam universel obligatoire

Mais pour compliquer les choses les musulmans modérés qui ne pratiquent pourtant que selon le Coran de la Mecque qu’on leur a toujours présenté comme la parole même de Dieu, donc intouchable, ont des difficultés à admettre l’ambiguïté du corpus coranique...pour en rejeter les parties malsaines...

 

Alors on peut comprendre la gène quasi coupable que ressentent ces modérés face aux certitudes triomphalistes de ceux qui se réfèrent au Coran de Médine sous la pression d’autorités religieuses extrémistes. Car, comme c’est souvent le cas, les clergés touours organisés en caste ont pour habitude de dénaturer les religions ...afin de pouvoir mieux en assumer la direction et le contrôle

La solution n’est pas seulement de combattre par les armes les violents et les criminels mais aussi de susciter parmi les musulmans pacifiques, en les soutenant, un mouvement populaire de mise à jour et de rénovation du Coran, base de leur religion, en faisant appel à leur raison et en leur démontrant que les suggestions divines sont toujours bienveillantes, prônent touours l’amour du prochain et sont favorables à la liberté de conscience et que par conséquent les sourates violentes du Coran sont loin de pouvoir être d’origine divine...comme l’a si bien souligné Salman Rushdie

 

C’est précisément le but du remarquable texte d’Abdenour Bidar dont nous reproduisons des extraits essentiels ci-après

 

Lettre ouverte au monde musulman d’Abdenour BIDAR (Octobre 2014)

Philosophe et écrivain français, Abdennour BIDAR est né le 13janvier 1971 à Clermont-Ferrand. Agrégé de philosophie, normalien issu de l’École normale supérieure de Fontenay-Saint-Cloud, docteur en philosophie, il a consacré sa thèse de doctorat au développement d'une « pédagogie de l'individuation » ou du «devenir-sujet» à partir de la pensée du philosophe musulman indien Mohamed Iqbal (1873-1938), notamment de son ouvrage The Reconstruction of Religious Thoughtin Islam (1928-1932). Après plusieurs essais consacrés à la philosophie de la religion, notamment à partir d'études sur l'islam, il publie en 2014 une Histoire de l'humanisme en Occident (éditions Armand Colin).
Abdennour BIDAR a enseigné la philosophie en classes préparatoires aux Grandes Écoles de 2004 à 2012.

Il est actuellement chargé de mission sur la pédagogie de la laïcité au Ministère de l’Éducation nationale et a été nommé membre de l'Observatoire de la laïcité, installé le 8 avril 2013 par le président de la République François Hollande. Il appartient au comité de rédaction de la revue Esprit. De septembre 2012 à juin 2013, il a produit et animé l'émission de débat sur le thème du vivre ensemble et de l'identité - Cause commune, tu m'intéresses - le dimanche de 16h à 17h sur France Inter. Durant l'été 2014, il a été le producteur et le présentateur de l'émission France Islam : questions croisées sur France Inter.

 

Point de vue du philosophe qui voit clair de plus haut
Cher monde musulman, je suis un de tes fils éloignés qui te regarde du dehors et de loin – de ce pays de France où tant de tes enfants vivent aujourd’hui. Je te regarde avec mes yeux sévères de philosophe nourri depuis son enfance par le taçawwuf (soufisme) et par la pensée occidentale. Je te regarde donc à partir de ma position de barzakh, d’isthme entre les deux mers de l’Orient et de l’Occident ! Et qu’est-ce que je vois ? Qu’est-ce que je vois mieux que d’autres sans doute parce que justement je te regarde de loin, avec le recul de la distance ? Je te vois toi, dans un état de misère et de souffrance qui me rend infiniment triste, mais qui rend encore plus sévère mon jugement de philosophe ! Car je te vois en train d’enfanter un monstre qui prétend se nommer Etat islamique et auquel certains préfèrent donner un nom de démon : DAESH. Mais le pire est que je te vois te perdre – perdre ton temps et ton honneur – dans le refus de reconnaître que ce monstre est né de toi, de tes errances, de tes contradictions, de ton écartèlement entre passé et présent, de ton incapacité trop durable à trouver ta place dans la civilisation humaine. Que dis-tu en effet face à ce monstre ? Tu cries «Ce n’est pas moi !», «Ce n’est pas l’islam !». Tu refuses que les crimes de ce monstre soient commis en ton nom (hashtag #NotInMyName). Tu t’insurges que le monstre usurpe ton identité, et bien sûr tu as raison de le faire. Il est indispensable qu’à la face du monde tu proclames ainsi, haut et fort, que l’islam dénonce la barbarie. 

Le «pas d’amalgame» ne suffit pas

Mais c’est tout à fait insuffisant ! Car tu te réfugies dans le réflexe de l’autodéfense sans assumer aussi et surtout la responsabilité de l’autocritique. Tu te contentes de t’indigner alors que ce moment aurait été une occasion historique de te remettre en question ! Et tu accuses au lieu de prendre ta propre responsabilité : «Arrêtez, vous les occidentaux, et vous tous les ennemis de l’islam de nous associer à ce monstre ! Le terrorisme ce n’est pas l’islam, le vrai islam, le bon islam qui ne veut pas dire la guerre mais la paix!» 
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Les racines du mal

Ce problème est celui des racines du mal. D’où viennent les crimes de ce soi-disant « Etat islamique » ? Je vais te le dire, mon ami. Et cela ne va pas te faire plaisir, mais c’est mon devoir de philosophe. Les racines de ce mal qui te vole aujourd’hui ton visage sont en toi-même, le monstre est sorti de ton propre ventre – et il en surgira autant d’autres monstres pires encore que celui-ci tant que tu tarderas à admettre ta maladie, pour attaquer enfin cette racine du mal ! Même les intellectuels occidentaux ont de la difficulté à le voir : pour la plupart ils ont tellement oublié ce qu’est la puissance de la religion – en bien et en mal, sur la vie et sur la mort – qu’ils me disent «Non le problème du monde musulman n’est pas l’islam, pas la religion, mais la politique, l’histoire, l’économie, etc.». Ils ne se souviennent plus du tout que la religion peut être le coeur de réacteur d’une civilisation humaine ! Et que l’avenir de l’humanité passera demain non pas seulement par la résolution de la crise financière mais de façon bien plus essentielle par la résolution de la crise spirituelle sans précédent que traverse notre humanité tout entière !

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Malgré la gravité de ta maladie, il y a en toi une multitude extraordinaire de femmes et d’hommes qui sont prêts à réformer l’islam, à réinventer son génie au-delà de ses formes historiques et à participer ainsi au renouvellement complet du rapport que l’humanité entretenait jusque là avec ses dieux ! C’est à tous ceux-là, musulmans et non musulmans qui rêvent ensemble de révolution spirituelle, que je me suis adressé dans mes ouvrages ! Pour leur donner, avec mes mots de philosophe, confiance en ce qu’entrevoit leur espérance !

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. Ils ont bien compris que ce ne sont là que les symptômes les plus visibles sur un immense corps malade, dont les maladies chroniques sont les suivantes : impuissance à instituer des démocraties durables dans lesquelles est reconnue comme droit moral et politique la liberté de conscience vis-à-vis des dogmes de la religion; difficultés chroniques à améliorer la condition des femmes dans le sens de l’égalité, de la responsabilité et de la liberté; impuissance à séparer suffisamment le pouvoir politique de son contrôle par l’autorité de la religionincapacité à instituer un respect, une tolérance et une véritable reconnaissance du pluralisme religieux et des minorités religieuses.Tout cela serait-il donc la faute de l’Occident ? Combien de temps précieux vas-tu perdre encore, ô cher monde musulman, avec cette accusation stupide à laquelle toi même tu ne crois plus, et derrière laquelle tu te caches pour continuer à te mentir à toi-même ?

L’évolution de l’Islam ne s’est pas faite... elle est restée figée

Depuis le XVIIIe siècle en particulier, il est temps de te l’avouer, tu as été incapable de répondre au défi de l’Occident. Soit tu t’es réfugié de façon infantile et mortifère dans le passé, avec la régression obscurantiste du wahhabisme qui continue de faire des ravages presque partout à l’intérieur de tes frontières – un wahhabisme que tu répands à partir de tes lieux saints de l’Arabie Saoudite comme un cancer qui partirait de ton coeur lui-même ! Soit tu as suivi le pire de cet Occident, en produisant comme lui des nationalismes et un modernisme qui est une caricature de modernité – je veux parler notamment de ce développement technologique sans cohérence avec leur archaïsme religieux qui fait de tes « élites » richissimes du Golfe seulement des victimes consentantes de la maladie mondiale qu’est le culte du dieu argent.

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Les grandes erreurs commises

Tu as choisi de considérer que Mohammed était prophète et roi. Tu as choisi de définir l’islam comme religion politique, sociale, morale,devant régner comme un tyran aussi bien sur l’Etat que sur la vie civile, aussi bien dans la rue et dans la maison qu’à l’intérieur même de chaque conscience. Tu as choisi de croire et d’imposer que l’islam veut dire soumission alors que le Coran lui-même proclame qu’« Il n’y a pas de contrainte en religion» (La ikraha fiDîn). Tu as fait de son Appel à la liberté l’empire de la contrainte ! Comment une civilisation peut-elle trahir à ce point son propre texte sacré ? De nombreuses voix que tu ne veux pas entendre s’élèvent aujourd’hui dans la Oumma pour dénoncer ce tabou d’une religion autoritaire et indiscutable… Au point que trop de croyants ont tellement intériorisé une culture de la soumission à la tradition et aux « maîtres de religion »(imams, muftis, shouyoukhs, etc.) qu’ils ne comprennent même pas qu’on leur parle de liberté spirituelle, ni qu’on leur parle de choix personnel vis-à-vis des «piliers» de l’islam. Tout cela constitue pour eux une «ligne rouge» si sacrée qu’ils n’osent pas donner à leur propre conscience le droit de le remette en question ! Et il y a tant de familles où cette confusion entre spiritualité et servitude est incrustée dans les esprits dès le plus jeune âge, et où l’éducation spirituelle est d’une telle pauvreté que tout ce qui concerne la religion reste quelque chose qui ne se discute pas !

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Quand l’Islam sera-t-il capable de faire sa révolution ?
Car tout ce que je viens d’évoquer - une religion tyrannique, dogmatique, littéraliste, formaliste, machiste, conservatrice, régressive - est trop souvent l’islam ordinaire, l’islam quotidien, qui souffre et fait souffrir trop de consciences, l’islam du passé dépassé, l’islam déformé par tous ceux qui l’instrumentalisent politiquement, l’islam qui finit encore et toujours par étouffer les Printemps arabes et la voix de toutes ses jeunesses qui demandent autre chose. Quand donc vas-tu faire enfin cette révolution qui dans les sociétés et les consciences fera rimer définitivement spiritualité et liberté ?

Bien sûr dans ton immense territoire il y a des îlots de liberté spirituelle : des familles qui transmettent un islam de tolérance, de choix personnel, d’approfondissement spirituel ; des lieux où l’islam donne encore le meilleur de lui-même, une culture du partage, de l’honneur, de la recherche du savoir, et une spiritualité en quête de ce lieu sacré où l’être humain et la réalité ultime qu’on appelle Allâh se rencontrent. Il y a en Terre d’islam, et partout dans les communautés musulmanes du monde, des consciences fortes et libres. Mais elles restent condamnées à vivre leur liberté sans reconnaissance d’un véritable droit, à leurs risques et périls face au contrôle communautaire ou même parfois face à la police religieuse. Jamais pour l’instant le droit de dire « Je choisis mon islam », « J’ai mon propre rapport à l’islam » n’a été reconnu par « l’islam officiel » des dignitaires. Ceux-là au contraire s’acharnent à imposer que « La doctrine de l’islam est unique » et que « L’obéissance aux piliers de l’islam est la seule voie droite » (sirâtou-l-moustaqîm). Ce refus du droit à la liberté vis-à-vis de la religion est l’une de ces racines du mal dont tu souffres, ô mon cher monde musulman, l’un de ces ventres obscurs où grandissent les monstres que tu fais bondir depuis quelques années au visage effrayé du monde entier. Car cette religion de fer impose à tes sociétés tout entières une violence insoutenable. Elle enferme toujours trop de tes filles et tous tes fils dans la cage d’un Bien et d’un Mal, d’un licite (halâl) et d’un illicite (harâm) que personne ne choisit mais que tout le monde subit. Elle emprisonne les volontés, elle conditionne les esprits, elle empêche ou entrave tout choix de vie personnel. Dans trop de tes contrées tu associes encore la religion et la violence – contre les femmes, les « mauvais croyants », les minorités chrétiennes ou autres, les penseurs et les esprits libres, les rebelles – de sorte que cette religion et cette violence finissent par se confondre, chez les plus déséquilibrés et les plus fragiles de tes fils, dans la monstruosité du jihad !

Il faut se désengager de l’Etat islamique

Alors ne fais plus semblant de t’étonner, je t’en prie, que des démons tels que le soi-disant Etat islamique t’aient pris ton visage ! Les monstres et les démons ne volent que les visages qui sont déjà déformés par trop de grimaces ! Et si tu veux savoir comment ne plus enfanter de tels monstres, je vais te le dire. C’est simple et très difficile à la fois. Il faut que tu commences par réformer toute l’éducation que tu donnes à tes enfants, dans chacune de tes écoles, chacun de tes lieux de savoir et de pouvoir. Que tu les réformes pour les diriger selon des principes universels (même si tu n’es pas le seul à les transgresser ou à persister dans leur ignorance) : la liberté de conscience, la démocratiela tolérance et le droit de cité pour toute la diversité des visions du monde et des croyancesl’égalité des sexes et l’émancipation des femmes de toute tutelle masculine, la réflexion et la culture critique du religieux dans les universités, la littérature, les médias. Tu ne peux plus reculer, tu ne peux plus faire moins que tout cela ! C’est le seul moyen pour toi de ne plus enfanter de tels monstres, et si tu ne le fais pas tu seras bientôt dévasté par leur puissance de destruction.

Cher monde musulman… Je ne suis qu’un philosophe, et comme d’habitude certains diront que le philosophe est un hérétique. Je ne cherche pourtant qu’à faire resplendir à nouveau la lumière – c’est le nom que tu m’as donné qui me le commande, Abdennour, « Serviteur de la Lumière ».Je n’aurais pas été si sévère dans cette lettre si je ne croyais pas en toi. Comme on dit en français, «Qui aime bien châtie bien». Et au contraire tous ceux qui aujourd’hui ne sont pas assez sévères avec toi – qui veulent faire de toi une victime – tous ceux-là en réalité ne te rendent pas service ! Je crois en toi, je crois en ta contribution à faire demain de notre planète un univers à la fois plus humain et plus spirituel !
Salâm, que la paix soit sur toi.
Abdennour BIDAR

 

NDLR

La lutte contre les intégristes musulmans doit être impitoyables si l’on veut éviter que les communautés traditionnelles européennes, se sentent à juste titre menacées dans leur identité par les audaces invraisemblables des fondamentalistes, soutenus par des politiciens gauchistes et libertaires qui comptent sur eux pour détruire le christianisme, et n’en arrivent, en mettant tous les musulmans dans le même sac, à se laisser aller à des violences d’auto-défense afin d’extirper radicalement l’Islam du sol français

Il faut donc écouter l’angoisse et l’exaspération du vieux peuple de France qui a l’impression qu’on le conduit doucement vers la soumission....

Si l’on veut éviter le pire il faudrait vraiment aussi que les musulmans modérés se décident à intervenir de leur côté en établissant une ligne rouge doctrinale qui les sépare officiellement et définitivement du wahhabisme et du salafisme.

 

Les Amis du 13 mai 1958 d'Alger

 

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03/04/2018
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